9 mars 2010
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21:45
Comme un roman n'est pas un roman, mais un livre absolument passionnant sur la lecture, la découverte de la lecture, l'envie de lire, mais aussi le droit de ne pas avoir envie de lire, le droit de ne pas aimer...
Je ne sais pas comment vous parler de ce livre, car je pense qu'il résonne différemment pour chacun. Alors voici des extraits pour, j'espère, vous mettre l'eau à la bouche
Le verbe lire ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il aime partager avec quelques autres : le verbe « aimer »… le verbe « rêver »…
(I, 1)
Ce livre parle de l'apprentissage de la lecture, de la révélation que c'est pour un enfant !
Il nous raconte aussi comment la lecture fait partie de nous dès notre petite enfance, avec nos parents qui, chaque soir, nous racontaient une histoire. Moment magique !
Quels pédagogues nous étions, quand nous n’avions pas le souci de la pédagogie !
(I, 5)
D'ailleurs, voici un beau passage sur la lecture du soir
A y repenser en ce début d’insomnie, ce rituel de la lecture, chaque soir, au pied de son lit, quand il était petit – heure fixe et gestes immuables – tenait un peu de la prière.
[…]
Oui, l’histoire lue chaque soir remplissait la plus belle fonction de la prière, la plus désintéressée, la moins spéculative, et qui ne concerne que les hommes : le pardon des offenses. On n’y confessait aucune faute, on n’y cherchait pas à s’octroyer une portion d’éternité, c’était un moment de communion, entre nous, l’absolution du texte, un retour vers le seul paradis qui vaille : l’intimité. Sans le savoir, nous découvrions une des fonctions essentielles du conte, et, plus vastement de l’art en général, qui est d’imposer une trêve au combat des hommes.
L’amour y gagnait une peau neuve.
C’était gratuit.
(I, 11)
Un livre, c’est un objet contondant et c’est un bloc d’éternité. C’est la matérialisation de l’ennui. C’est le livre. « Le livre ».
(I, 6)
Mais le livre peut être aussi objet d'étude, à l'école, et assimilé à un pavé imbuvable par des enfants qui ont perdu l'envie de lire, qui n'ont pas (re)découvert le plaisir de la lecture ...
Les enfants n'aiment plus lire, dit la société. Alors bien sûr, il faut trouver des coupables !
La faute à la télé ?
Le vingtième siècle trop « visuel » ? Le dix-neuvième trop descriptif ? Et pourquoi pas le dix-huitième trop rationnel, le dix-septième trop classique, le seizième trop renaissance, Pouchkine trop russe et Sophocle trop mort ?
(I, 13)
Et pourtant, il suffit parfois d'un professeur passionné pour redonner envie de lire... Le passage racontant les cours de Georges Perros est incroyable. Ses cours devaient être incroyables. En finissant ce chapitre, je n'avais qu'une envie, découvrir les livres dont il parlait !
Voici aussi un passage qui nous concerne, nous autres qui aimont offrir et recevoir des livres :
Aimer c’est, finalement, faire don de nos préférences à ceux que nous préférons. Et ces partages peuplent l’invisible citadelle de notre liberté. Nous sommes habités de livres et d’amis.
Quand un être cher nous donne un livre à lire, c’est lui que nous cherchons d’abord dans les lignes, ses goûts, les raisons qui l’ont poussé à nous flanquer ce bouquin entre les mains, les signes d’une fraternité. Puis, le texte nous emporte et nous oublions celui qui nous y a plongé […].
(II, 35)
Un autre passage qui parlera probablement à certains d'entre vous !(en tout cas, moi qui ai dû passer par là au cours de mes études, j'ai beaucoup aimé cet extrait !!!)
Parmi ceux « qui ne lisent pas », les mieux avisés sauront apprendre, comme nous, à parler autour : ils excelleront dans l’art inflationniste du commentaire (je lis dix lignes, je ponds dix pages), la pratique jivaro de la fiche (je parcours 400 pages, je les réduis à cinq), la pêche à la citation judicieuse (dans ces précis de culture congelée disponibles chez tous les marchands de réussite), ils sauront manier le scalpel de l’analyse linéaire et deviendront experts dans le savant cabotage entre les « morceaux choisis », qui mène sûrement au baccalauréat, à la licence, voire à la l’agrégation… mais pas nécessairement à l’amour du livre.
(40)
Finalement la lecture, n'est-ce pas comme l'amour ?
Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d’écrire, d’ailleurs, ou le temps d’aimer.)
Volé à quoi ?
Disons, au devoir de vivre.
[…]
La lecture ne relève pas de l’organisation du temps social, elle est, comme l’amour, une manière d’être.
(49)
Alors, que doit-on retenir ?
Un livre amusant, sérieux, touchant, donnant surtout une énorme envie de lire, et de lire "à sa manière" ! Incontournable !
Bravo monsieur Pennac !
Je ne sais pas comment vous parler de ce livre, car je pense qu'il résonne différemment pour chacun. Alors voici des extraits pour, j'espère, vous mettre l'eau à la bouche
Le verbe lire ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il aime partager avec quelques autres : le verbe « aimer »… le verbe « rêver »…
(I, 1)
Ce livre parle de l'apprentissage de la lecture, de la révélation que c'est pour un enfant !
Il nous raconte aussi comment la lecture fait partie de nous dès notre petite enfance, avec nos parents qui, chaque soir, nous racontaient une histoire. Moment magique !
Quels pédagogues nous étions, quand nous n’avions pas le souci de la pédagogie !
(I, 5)
D'ailleurs, voici un beau passage sur la lecture du soir
A y repenser en ce début d’insomnie, ce rituel de la lecture, chaque soir, au pied de son lit, quand il était petit – heure fixe et gestes immuables – tenait un peu de la prière.
[…]
Oui, l’histoire lue chaque soir remplissait la plus belle fonction de la prière, la plus désintéressée, la moins spéculative, et qui ne concerne que les hommes : le pardon des offenses. On n’y confessait aucune faute, on n’y cherchait pas à s’octroyer une portion d’éternité, c’était un moment de communion, entre nous, l’absolution du texte, un retour vers le seul paradis qui vaille : l’intimité. Sans le savoir, nous découvrions une des fonctions essentielles du conte, et, plus vastement de l’art en général, qui est d’imposer une trêve au combat des hommes.
L’amour y gagnait une peau neuve.
C’était gratuit.
(I, 11)
Un livre, c’est un objet contondant et c’est un bloc d’éternité. C’est la matérialisation de l’ennui. C’est le livre. « Le livre ».
(I, 6)
Mais le livre peut être aussi objet d'étude, à l'école, et assimilé à un pavé imbuvable par des enfants qui ont perdu l'envie de lire, qui n'ont pas (re)découvert le plaisir de la lecture ...
Les enfants n'aiment plus lire, dit la société. Alors bien sûr, il faut trouver des coupables !
La faute à la télé ?
Le vingtième siècle trop « visuel » ? Le dix-neuvième trop descriptif ? Et pourquoi pas le dix-huitième trop rationnel, le dix-septième trop classique, le seizième trop renaissance, Pouchkine trop russe et Sophocle trop mort ?
(I, 13)
Et pourtant, il suffit parfois d'un professeur passionné pour redonner envie de lire... Le passage racontant les cours de Georges Perros est incroyable. Ses cours devaient être incroyables. En finissant ce chapitre, je n'avais qu'une envie, découvrir les livres dont il parlait !
Voici aussi un passage qui nous concerne, nous autres qui aimont offrir et recevoir des livres :
Aimer c’est, finalement, faire don de nos préférences à ceux que nous préférons. Et ces partages peuplent l’invisible citadelle de notre liberté. Nous sommes habités de livres et d’amis.
Quand un être cher nous donne un livre à lire, c’est lui que nous cherchons d’abord dans les lignes, ses goûts, les raisons qui l’ont poussé à nous flanquer ce bouquin entre les mains, les signes d’une fraternité. Puis, le texte nous emporte et nous oublions celui qui nous y a plongé […].
(II, 35)
Un autre passage qui parlera probablement à certains d'entre vous !(en tout cas, moi qui ai dû passer par là au cours de mes études, j'ai beaucoup aimé cet extrait !!!)
Parmi ceux « qui ne lisent pas », les mieux avisés sauront apprendre, comme nous, à parler autour : ils excelleront dans l’art inflationniste du commentaire (je lis dix lignes, je ponds dix pages), la pratique jivaro de la fiche (je parcours 400 pages, je les réduis à cinq), la pêche à la citation judicieuse (dans ces précis de culture congelée disponibles chez tous les marchands de réussite), ils sauront manier le scalpel de l’analyse linéaire et deviendront experts dans le savant cabotage entre les « morceaux choisis », qui mène sûrement au baccalauréat, à la licence, voire à la l’agrégation… mais pas nécessairement à l’amour du livre.
(40)
Finalement la lecture, n'est-ce pas comme l'amour ?
Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d’écrire, d’ailleurs, ou le temps d’aimer.)
Volé à quoi ?
Disons, au devoir de vivre.
[…]
La lecture ne relève pas de l’organisation du temps social, elle est, comme l’amour, une manière d’être.
(49)
Alors, que doit-on retenir ?
Les droits imprescriptibles du lecteur
1. le droit de ne pas lire
2. le droit de sauter des pages
3. le droit de ne pas finir un livre
4. le droit de relire
5. le droit de lire n’importe quoi
6. le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible)
7. le droit de lire n’importe où
8. le droit de grapiller
9. le droit de lire à haute voix
10. le droit de nous taire
Un livre amusant, sérieux, touchant, donnant surtout une énorme envie de lire, et de lire "à sa manière" ! Incontournable !
Bravo monsieur Pennac !