Je viens de dévorer L’affaire Lady Alistair, le tome 2 des enquêtes d’Enola Holmes, de Nancy Springer.
Holmes ? Comme Sherlock Holmes ?
Tout à fait, mon cher Watson ! Enola Holmes, dans cette excellente série prenant ses racines dans les romans d’Arthur Conan Doyle, est la petite sœur, âgée de 14 ans, de Sherlock.
Dans le premier tome, on découvre cette jeune fille, qui a vécu seule avec sa mère à la campagne (elle ne connaît alors ses frères que de réputation).
Au début du premier tome, sa mère disparaît, son frère Mycroft veut l’envoyer en pension pour en faire une jeune fille de bonne éducation, elle qui préfère grimper aux arbres et a en horreur le port du corset… Elle va donc fuir, à la recherche de sa mère. C’est le début de ses aventures, mais aussi de ses enquêtes.
Dans ce roman (je conseille de les lire dans l’ordre), on retrouve Enola au cœur de Londres.
Laissons la parole à Enola (4e de couverture)
A l’image de mon détective de frère, je décidai alors d’ouvrir à Londres, au nez et à la barbe de mes frères, un cabinet de « Spécialiste en recherches – Toutes disparitions ». Le Dr Leslie T. Ragostin allait être mon patron imaginaire, celui que je m’étais inventé pour exercer ma nouvelle profession en toute discrétion.
Et c’est avec un petit choc qu’un matin, en ce mois de janvier 1889, je déchiffrai la carte de visite de mon premier client, glissée sous mon nez par le réceptionniste : « Dr John Watson, Docteur en médecine ».
Pourquoi j’ai aimé ?
Tout d’abord, je trouve l’écriture vraiment délicieuse. Mais surtout, les personnages, leurs sentiments et leurs relations sont très bien rendus. On croise brièvement ce cher Sherlock (pour lequel j’ai eu un coup de foudre cette année). Tout en respectant le personnage si brillamment créé par Conan Doyle, Nancy Springer sait le faire vivre à son tour sous sa plume avec talent. Et puis il y a Enola, l’héroïne. En anglais, « enola » est le mot « alone » à l’envers, et seule, Enola l’est. C’est avec sa volonté d’être indépendante et d’être utile qu’on suit cette jeune fille dans le dédale des bas-fonds du Londres de la fin du XIXe siècle, dans ses moments de découragement et de doute et dans ses moments de force. Car Enola est bien la digne sœur de son frère. Sans transposer bêtement les caractéristiques de Sherlock sur un personnage jeunesse, l’auteur réussit brillamment à créer des ressemblances familiales ! Et aussi une touchante histoire de famille : on sent le déchirement d’Enola entre son envie d’aller vers ce frère qu’elle admire et sa peur de prendre sa liberté.
Voici un extrait du chapitre 2
C’était bien moins le froid qui me faisait frémir que le sentiment d’être prise au piège, prise entre deux feux. A cause de mon aîné Sherlock.
Il faut savoir que cet aîné-là, je l’adorais comme un dieu. Sherlock était mon héros. Mon grand rival. Je n’étais pas loin de l’aduler. Mais s’il parvenait à me retrouver, c’en était fait de ma liberté. Adieu, mon indépendance !
D’un autre côté… ma disparition le mettait en détresse ? Je ne pouvais plus me raconter que je n’avais blessé que sa fierté.
Mais que faire, nom d’une pipe en bois ? Lui glisser le moindre indice que j’étais en vie et en bonne santé, c’était lui fournir le fil qui lui permettrait à coup sûr de remonter jusqu’à moi.
Et Mère entrait en ligne de compte, aussi. Combien d’années lui restait-il pour savourer sa liberté à elle, loin des carcans de la bienséance et de la « place de la femme dans la société » ? Les hommes étaient-ils dont les seuls à avoir droit à leur fierté ?
C’est touchant, amusant, intéressant, prenant.
C’est avec énormément de plaisir que j’irais de nouveau à la rencontre de cette héroïne dans les tomes suivants.