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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 11:44

Le fait du prince, d'Amélie Nothomb, est un court roman assez déconcertant publié en 2008.

le-fait-du-prince.jpg

Le texte commence ainsi :

- Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. Appelez un taxi et dites-lui de vous conduire à l'hôpital avec cet ami qui a un malaise. Le décès sera constaté en arrivant aux urgences et vous pourrez assurer, témoin à l'appui, que l'individu a trépassé en chemain. Moyennant quoi, on vous fichera la paix.

Ce conseil, adressé à un certain Baptiste Bordave, est le début d'une conversation en plein cocktail mondain. Assez étrange, n'est-ce pas ? Et le lendemain ...

Vers neuf heures du matin, comme je prenais une deuxième tasse de café, on sonna. A l'interphone, j'entendis la voix d'un inconnu :

- Ma voiture est en panne. Pourrais-je utiliser votre téléphone ?

Alors que cet inconnu entre chez Baptiste Bordave et compose un numéro, il s'effondre soudain. Mort. Alors qu'il est sur le point d'appeler les urgences, un doute s'insinue dans son esprit, et il se souvient alors de la conversation de la veille. Il appuie alors sur bis pour vérifier que l'homme appelait bien un garage, mais point de réponse. Il fouille dans les poches de l'inconnu et découvre que celui-ci est suédois, du nom de Olaf Sildur, habitant Versailles. Il part à la recherche de la voiture en panne et surprise, c'est une Jaguar en parfait état de marche. Mais voilà, après avoir fouillé et mis ses empreintes partout, il est trop tard pour appeler les secours, car alors comment expliquer qu'il n'a pas réagi immédiatement. Ca aurait l'air trop suspect... Et Baptiste Bordave décide de devenir Olaf Sildur. Car l'homme a les mêmes caractéristiques physiques. Alors il pourrait, lui, Baptiste B. se faire passer pour mort.

Arrivé à Versailles, il découvre que Olaf est propriétaire d'une immense villa. Il est accueilli par la femme de ce dernier, comme s'il était attendu comme un collègue d'Olaf. Baptiste B. (qui se fait maintenant appeler Olaf) ne la contredit pas.

A partir de là, Olaf s'installe dans cette villa, et passe son temps à boire du champagne en compagnie de la jeune épouse d'Olaf, à lire et à paresser.

 

Pourquoi cette attitude, pourrait-on se demander ? Pourquoi Baptiste B. ne ressent-il pas plus de doutes ou de scrupules à agir comme il le fait ? Voici ce que pense le personnage:

Je voulais vivre à grandes emjambées, m'exalter d'exister. Rien de tel que d'adopter l'identité d'un inconnu pour connaître l'ivresse du large.

Du personnage, on a quelques flashs de son enfance, comme ce passage que j'ai beaucoup apprécié (je le trouve très bien vu):

En vérité, dans les musées, mon unique centre d'intérêt était le comportement de mes parents. Et leur commentaire invariable, au retour, en voiture : "Ca fatigue, ces expositions, mais on est contents que les enfants l'aient vue. Baptiste l'a trouvée magnifique." La culture repose sur un malentendu.

Bref, si les musées m'avaient simplement ennuyé, je ne les aurais pas détestés. Je n'ai rien contre l'ennui, mais s'ennuyer en se sentant obligé de manifester de l'intérêt, quelle plaie !

 

Dans l'ensemble, j'ai une impression mitigée, que j'ai du mal à exprimer... En fait, c'est un roman que j'ai lu d'une traite, il est très court, l'écriture est fluide. Mais en même temps, je suis sortie de ma lecture un peu décontenancée, avec un goût d'inachevé. En effet, j'ai trouvé que malgré sa brièveté, le roman avait quelques longueurs (notamment ces moments où les personnages se mettent à déguster leur champagne) - alors peut être que ces "longueurs" sont voulues pour montrer le côté vain de leur existence ... D'ailleurs, à la lecture, j'avais plus l'impression d'une nouvelle que d'un roman (je suis sûre que d'un point de vue littéraire, ce que je dis n'a aucun sens  mais j'espère que vous comprenez ce que je veux dire  ). Finalement, j'ai trouvé que nous restions en surface de tout : on ne connaît rien sur Siegrid (l'épouse d'Olaf, dont le nom est donné par Baptiste), pas grand chose sur le personnage principal, encore moins sur l'homme à qui il prend son identité, etc. Je suppose que si l'auteur n'insiste pas là dessus (finalement on ne sait pas si l'homme meurt ou est assassiné, s'il connaissait Baptiste, quel était vraiment son métier, etc.) c'est qu'elle veut nous dire que ce n'est pas là dessus qu'il faut fixer son attention. Mais tout de même, j'ai l'impression que rien n'est vraiment fouillé.

Finalement, ce que j'ai apprécié dans le roman ce sont les fils de réflexion : qu'est ce qui constitue l'identité ? qu'est ce qu'un nom ? En effet, Baptiste Bordave commence par prendre l'identité (et une partie de la vie) de Olaf Sidur. Puis il "baptise" la femme de ce dernier (mais est-elle vraiment sa femme ?) du nom de Sigrid (on ne connaîtra d'ailleurs jamais son vrai prénom), comme si c'était une sorte de renaissance pour elle (qui semble ne rien n'avoir dans la vie en dehors de cet appartement et de son mari). Ce roman est finalement le fantasme du personnage de recommencer sa vie à zéro.

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